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Article de revue

La mutation du parquet des mineurs entre 1984 et 2008

Pages 111 à 117

1L’auteur de ces lignes a débuté sa carrière comme substitut des mineurs en 1984, au parquet d’Aix en Provence. Passé au siège deux ans et demi plus tard, il a été successivement juge des enfants et juge, notamment aux affaires familiales, avant de revenir au parquet des mineurs en 2001, à Paris, puis de se voir confier la responsabilité de cette section en mars 2007. Ce parcours permet de témoigner de l’ampleur des changements qui ont affecté le parquet en l’espace de vingt ans, les mineurs n’étant évidemment pas épargnés par cette mutation.

2A l’orée des années 80, la justice des mineurs était encore pratiquement régie par l’ordonnance de 45 dans sa version initiale. Certaines modifications avaient certes été apportées à ce texte depuis son origine, essentiellement dans l’organisation et le fonctionnement de l’éducation surveillée, qui n’allait pas tarder à devenir la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).

3Il convient de rappeler que le législateur de 1945 avait entendu, pour résumer à grands traits ce texte fondateur, privilégier la prise en charge éducative des mineurs délinquants au détriment d’une approche purement répressive. Le but était de favoriser l’insertion de ces mineurs dans le monde des adultes, dans une vision certes humaniste, les concepteurs du texte ayant vécu l’expérience de la privation de liberté pendant l’occupation, mais aussi utilitariste : le préambule affirmait sans ambages que la France n’était pas assez riche d’enfants pour se priver des moyens d’en faire des êtres sains.

4La mise en œuvre de ce principe impliquait deux impératifs : se doter d’outils pour observer et comprendre le mineur délinquant, et, une fois ce diagnostic réalisé, mettre en œuvre les mesures éducatives les plus adaptées pour parvenir à l’objectif poursuivi. En corollaire, le jugement du mineur ne devait intervenir qu’après que l’impact des mesures de redressement ait pu être mesuré, la sanction pénale perdant d’ailleurs tout sens et tout intérêt dans le cas où l’intéressé avait mis à profit ce temps d’observation pour revenir dans le droit chemin.

5Le texte organisait donc une procédure en deux phases, le jugement du mineur ne devant intervenir, en principe, qu’après mise en œuvre d’une enquête sociale, d’un examen médico-psychologique, voire d’un examen psychiatrique, et intervention d’un éducateur dans le cadre d’une mesure de liberté surveillée préjudicielle. Le seul ordonnateur de cette procédure était le juge des enfants, qui décidait des mesures provisoires ou d’observation, et choisissait d’orienter les mineurs vers l’audience de cabinet pour prononcer une mesure éducative ou de simple avertissement, ou vers le tribunal pour enfants s’il envisageait une sanction pénale. Surtout, ce magistrat décidait seul de la durée de la procédure avant jugement, qui pouvait durer un mois ou trois ans selon son bon vouloir.

6Face à ce magistrat maître de tous les leviers de la procédure, le rôle du parquet se limitait aux prérogatives classiques du ministère public : le choix de l’orientation initiale de la procédure et les réquisitions orales à l’audience. Ces missions classiques du parquet sont certes essentielles, mais il est clair que le législateur, s’il avait exigé une spécialisation en matière de mineurs des magistrats du parquet intervenant dans ce domaine, n’avait pas souhaité donner à ces derniers une place dans la procédure allant au-delà de ces traditionnelles fonctions.

7La première et la plus importante de ces fonctions, l’orientation initiale de la procédure, se résumait à une alternative en trois branches : le classement sans suite, la requête saisissant le juge des enfants et la saisine d’un juge d’instruction pour les affaires complexes ou criminelles.

8Il importe de souligner que le classement sans suite concernait à l’époque beaucoup des procédures mettant en cause des mineurs, et que le parquet utilisait sans état d’âme des motifs de pure opportunité tels que la gravité relative de l’infraction, de surcroît quand elle était commise par un primo-délinquant. Ce type de classement s’accompagnait souvent d’un courrier d’avertissement adressé au mineur et ses parents, et parfois d’une convocation devant les services de police ou de gendarmerie pour solenniser quelque peu cet avertissement, qui ne s’appelait pas encore un rappel à la loi. Nonobstant ces mesures d’accompagnement qui paraissent aujourd’hui assez rudimentaires, la gestion par le parquet des classements sans suite demeurait plutôt sommaire.

9La décision de poursuite d’un mineur délinquant se traduisait quant à elle, le plus souvent, par une requête simple au juge des enfants, rédigée au moment de la réception de la procédure par courrier. Le défèrement était assez peu pratiqué, réservé en fait aux infractions les plus graves ou aux mineurs multi-récidivistes. Rappelons sur ce dernier point, pour ne pas donner à tort l’image d’une justice des mineurs exclusivement bienveillante et dépourvue d’outils répressifs, que la détention provisoire était possible, y compris en matière délictuelle pour les enfants de 13 à 16 ans. Le juge des libertés et de la détention n’étant pas encore né, le juge des enfants décidait du placement en détention provisoire lors du défèrement, et pouvait dans la foulée renvoyer le mineur devant le tribunal pour enfants pour le juger détenu dans les deux mois.

10Etant ainsi bien posé que les faits les plus graves, et notamment les atteintes aux personnes commises par des mineurs déjà condamnés, étaient sanctionnés avec célérité et fermeté par les magistrats de la jeunesse, qui disposaient pour ce faire d’outils juridiques adéquats, force est de constater, avec le recul, que le traitement de la délinquance courante des mineurs souffrait souvent de retards endémiques. On peut même affirmer, sans exagérer, que l’attente de la prescription n’était pas un mode exceptionnel de gestion des stocks d’affaires pénales dans certains cabinets de juges des enfants. Précisons aussitôt que ces derniers n’étaient ni paresseux ni irresponsables, mais qu’ils étaient simplement contraints à des choix de contentieux par une charge de travail ne leur permettant pas de traiter de manière satisfaisante l’ensemble des dossiers au pénal et en assistance éducative.

11La conséquence la plus néfaste de ce relatif délaissement du pénal par les juges des enfants fut la perte de sens de la notion de maîtrise du temps de la procédure : le délai écoulé entre la commission de l’infraction et le jugement, au lieu d’être un temps choisi par le magistrat pour observer, agir et choisir le moment le plus opportun pour sanctionner, devint un temps subi, uniquement régi par les difficultés d’audiencement de stocks de dossiers que la charge de travail ne permettait pas de traiter dans des conditions satisfaisantes.

12Si cette dérive avait pu se produire dans une relative indifférence à la charnière des années 70 et 80, la prospérité économique facilitant à la fois l’insertion naturelle des jeunes, même les plus difficiles, et une certaine tolérance du corps social vis à vis de la délinquance juvénile, les années 80 et 90 marquèrent la fin du consensus politique sur les valeurs et les méthodes de l’ordonnance de 1945, sur fond d’irruption dans le débat public de la question de l’insécurité et de la part des mineurs dans cette dernière.

13Dans le même temps, le parquet adoptait une position beaucoup plus dynamique dans la conduite de l’action publique ; l’élaboration et la conduite des politiques pénales connaissant un véritable bouleversement sous l’impulsion de deux facteurs essentiels, le second découlant partiellement du premier : l’émergence de la politique de la ville et le traitement en temps réel.

14Le premier gouvernement de François Mitterrand, confronté à une problématique de l’insécurité rencontrant de plus en plus d’écho dans l’opinion et en recherche de solutions privilégiant la prévention plutôt que la répression, allait créer les conseils communaux de prévention de la délinquance (CCPD). Inspirés d’une structure de ce type expérimentée à Grenoble par Hubert Dubedout, ces conseils réunissaient élus, bailleurs sociaux, régies de transports, associations de prévention et administrations régaliennes telles que police, justice et éducation nationale, pour élaborer un diagnostic commun de la délinquance sur le territoire de la commune, créer des synergies entre les différents acteurs et rechercher ensemble des solutions innovantes. Cette élaboration collective de politiques publiques de lutte contre l’insécurité s’est développée avec le temps et est devenue aujourd’hui incontournable. Les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), introduits par décret en juillet 2002 sont venus se substituer aux conseils communaux de prévention de la délinquance pour les quels Gilbert Bonnemaison, député et maire d’Epinay sur Seine avait tant œuvré. Les nouveaux CLSPD sont consacrés par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, ils constituent le dernier état de cette politique de la ville qui a su transcender les clivages politiques, même si ses résultats n’ont pas toujours été à la hauteur des espérances initiales.

15Le parquet a d’emblée été partie prenante de ces dispositifs, son organisation hiérarchisée et son indivisibilité lui permettant d’assurer une présence permanente et de parler d’une même voix dans les différentes instances territoriales, ce qui n’était pas le cas des magistrats du siège. Il y a trouvé une source d’information précieuse sur l’état de la délinquance dans son ressort et a été directement en prise avec les revendications sécuritaires des élus, ce qui a probablement contribué à le pousser à délaisser un traitement parfois routinier des procédures pénales pour imaginer de nouveaux outils plus réactifs.

16Le traitement en temps réel, qui s’est développé à partir des années 90, a consisté à soumettre à la permanence téléphonique du parquet, qui ne traitait jusque-là que les affaires les plus graves et notamment les crimes, le plus possible d’infractions constatées par les services de police ou de gendarmerie, y compris en l’absence de mesure de garde à vue. L’objectif était que le magistrat de permanence donne une issue immédiate à chaque procédure, et qu’auteur et victime en soient aussitôt informés. Selon le degré de gravité des infractions et les antécédents des mis en cause, l’échelle des réponses allait du défèrement avec jugement immédiat à la notification d’un classement sans suite, en passant par la mise en liberté avec convocation à une audience ultérieure.

17Au même moment, le succès chez nos dirigeants de la doctrine dite de la “tolérance zéro”, importée des Etats-Unis, a poussé ceux-ci à exiger des parquets une réponse pénale à chaque acte de délinquance. Le domaine du classement en opportunité s’est ainsi peu à peu réduit, de facto, comme peau de chagrin. L’institution judiciaire n’étant pas en capacité, du fait de son sous-dimensionnement chronique, de juger la totalité des infractions “poursuivables”, les parquets ont développé la troisième voie. Cette dernière consistait essentiellement, à l’origine, à transformer les classements en opportunité en “réponses pénales”, en faisant convoquer le mis en cause par un délégué du procureur qui lui délivrait un avertissement solennel et l’engageait à ne pas réitérer son comportement. Les réponses se sont ensuite considérablement affinées et diversifiées, l’utilisation du “classement sous condition” permettant d’imposer au mis en cause, en échange du classement, de se rendre dans une structure sanitaire ou sociale, de se soumettre à une mesure de médiation avec la victime ou d’indemniser cette dernière. La récente vogue des “stages de sensibilisation” a enfin guidé le législateur dans l’élaboration des dernières alternatives aux poursuites, qui permettent d’inciter le mis en cause, en fonction de l’infraction qui lui est reprochée, à suivre un stage de formation civique, de responsabilisation parentale, sur les stupéfiants, sur l’alcool…

18Une étape supplémentaire et décisive, dans le traitement autonome par le parquet de la délinquance, a été franchie avec l’adoption dans notre droit de la composition pénale puis de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). Ces procédures permettent au procureur de sortir de l’alternative classement-poursuite, tout en évitant l’incertitude liée au traitement nécessairement aléatoire des procédures pénales par les diverses juridictions. Le parquet peut ainsi prononcer une sanction qui figurera au casier judiciaire du mis en cause, le rôle du magistrat du siège étant limité à l’homologation de cette sanction.

19A ce point de l’exposé, il paraît acquis que le métier de parquetier a subi plus de changements ces 25 dernières années que tout au long du siècle précédent : le procureur traite aujourd’hui directement un nombre croissant de procédures, au détriment du siège, et pour celles qui demeurent soumises à ce dernier, maîtrise plus que jamais leur délai de jugement. Qu’en est-il pour les mineurs ?

20La prégnance de la problématique de la délinquance dans le débat public n’a pas épargné les mineurs, bien au contraire. Au sein des instances traitant de la politique de la ville, les questions concernant les mineurs ont souvent été au premier plan, et les magistrats spécialisés en cette matière y sont régulièrement interpellés sur l’action de la justice. Depuis 10 ans, le discours politique se focalise tout particulièrement sur la délinquance juvénile, les mineurs prenant une part de plus en plus importante dans les statistiques de la délinquance, commettant des actes de plus en plus violents et agissant de plus en plus jeunes. Le document remis par la chancellerie à la commission « Varinard »du nom de son président, installée en avril 2008 par la garde des Sceaux, Rachida Dati, pour réfléchir à une réforme de l’ordonnance de 1945, illustre ainsi la part des mineurs dans la délinquance depuis 30 ans. Entre 1945 et 1970 le nombre de mineurs mis en cause dans les procédures de police et gendarmerie est passé de 30 000 par an à 70 000. Entre 1970 et 1995, ce nombre de mineurs passe de 70 000 à 150 000. Avec la politique de réponse à tout acte de délinquance, en 2006, ce sont 200 000 mineurs qui sont mis en cause. Par ailleurs, l’étude des condamnations prononcées pour les mineurs entre 1997 et 2006 révèle une évolution inquiétante de la délinquance des 13-16 ans : il est relevé une augmentation de 80% des condamnations en matière délictuelle et de 400% en matière criminelle, 464 mineurs de cette catégorie d’âge ayant été condamnés pour crime en 2006. La délinquance des moins de treize ans demeure marginale.

21Face à cette représentation faisant quasi-consensus si l’on n’oublie pas de tenir compte des évolutions démographiques et de la systématicité des réponses aujourd’hui, les parquets ont recouru aux deux méthodes décrites ci-dessus pour dynamiser l’action publique : le traitement en temps réel et le développement de la troisième voie. Les modifications législatives de l’ordonnance de 1945 se sont donc succédées à un rythme effréné, 17 fois en 20 ans, pour adapter le texte à cette nouvelle exigence : une réponse rapide et visible à tout acte de délinquance commis par un mineur.

22Ce dernier principe étant peu compatible avec la procédure telle qu’organisée par l’ordonnance de 1945, dont nous avons vu qu’elle laissait au juge des enfants la maîtrise complète de l’orientation du mineur vers l’audience de cabinet ou le tribunal pour enfants, ainsi que de la durée de l’instruction de chaque affaire, le législateur a peu à peu limité ce pouvoir du juge des enfants au profit du parquet. Les étapes les plus importantes de cette évolution furent la possibilité pour le parquet de faire délivrer aux mineurs, par un OPJ, une convocation pour jugement en audience de cabinet, l’obligation pour le juge des enfants de renvoyer devant le tribunal pour enfants les mineurs de plus de 16 ans ayant commis des délits punis de plus de cinq ans d’emprisonnement, et surtout la latitude donnée au parquet de convoquer directement le mineur à une audience du tribunal pour enfants, en requérant dans l’attente son placement en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire.

23Dans le domaine des alternatives aux poursuites, les procédures précédemment évoquées (rappel à la loi par le délégué du procureur, orientation vers une structure sanitaire ou sociale, participation à diverses sortes de stages) ont été appliquées aux mineurs. La doctrine de la justice réparatrice, née au début des années 80 et à l’origine de l’introduction du travail d’intérêt général dans notre arsenal répressif, est responsable de l’ajout à la palette des alternatives de la mesure de réparation. Plus récemment, la loi relative à la prévention de la délinquance du 5 mars 2007 a permis d’appliquer aux mineurs la procédure de composition pénale, jusque-là réservée aux majeurs, et de leur imposer le suivi d’une activité de jour dans le cadre d’une alternative aux poursuites. Ces deux dernières innovations confirment en l’amplifiant le glissement des prérogatives du juge des enfants vers le parquet : la composition pénale permet désormais au parquet de prononcer une sanction figurant au casier judiciaire d’un mineur, le juge des enfants étant réduit à un rôle d’homologation. Quant à la mesure d’activité de jour, consistant en un suivi du mineur pendant plusieurs mois dans une structure lui proposant une rescolarisation ou une formation, il s’agit d’une forme d’action éducative dans la durée qui était jusque-là l’apanage exclusif du juge des enfants.

24Au fil de ces différentes réformes, le parquet a ainsi peu à peu empiété sur le champ d’activité du juge des enfants, qu’il s’agisse de la nature et du tempo de la réponse pénale pour les multi-réitérants, ou à l’inverse du traitement des premiers actes de délinquance des mineurs. Une évolution similaire a d’ailleurs été observée dans le domaine de la protection de l’enfance en danger, avec comme point d’orgue la loi « protection de l’enfance » également du 5 mars 2007, mais une étude détaillée de ce champ d’activité demanderait de trop longs développements.

25A titre d’illustration de ce qui vient d’être exposé, voici quelques chiffres résumant l’activité pénale du parquet des mineurs de Paris ces dernières années :

  • l’évolution du rapport mineurs ayant bénéficié d’une alternative aux poursuites/mineurs poursuivis devant le juge des enfants est révélateur de l’importance croissante du recours à la troisième voie : il était de 1143/3196 (35%) en 2004, de 1260/2669 (47%) en 2005, de 1698/3060 (55%) en 2006 et de 1913/2940 (65%) en 2007.
  • les trois modes de saisine au pénal du juge des enfants, requête (avec ou sans défèrement), convocation par officier de police judiciaire pour mise en examen (COPJ), et jugement à délai rapproché (JDR) ou présentation immédiate devant la juridiction des mineurs (PIM), se répartissent ainsi au cours des quatre dernières années (la procédure de JDR, remplacée par la PIM en 2007, n’a vu le jour qu’en 2004) :

AnnéeRequêtesCOPJJDR ou PIMTotal
200426014721233196
200520075241382669
200622127061423060
200718859391162940

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  • dans le même temps, le nombre de mineurs déférés (qui intègre certaines requêtes pénales et la totalité des JDR ou PIM) a régulièrement baissé : 1938 en 2004, 1521 en 2005, 1382 en 2006 et 1004 en 2007.
Cette diminution des déférés, qui peut paraître paradoxale au regard de l’analyse de la Chancellerie sur l’augmentation et sur l’aggravation de la délinquance des mineurs, s’explique par deux facteurs : en premier lieu, la chute des interpellations de mineurs isolés étrangers ; la part importante de cette population dans les déférés a longtemps été une spécificité parisienne, de nombreux mineurs originaires d’Europe de l’Est étant mis en cause dans des faits de vol à la tire. Le défèrement était la seule réponse pénale envisageable compte-tenu de l’incertitude sur leur identité et de l’absence de domicile où les convoquer ; une étude attentive des statistiques révèle que si l’on en exclut les mineurs isolés étrangers, le nombre de déférés est stable (entre 900 et 1000) de 2003 à 2005. En second lieu, la baisse des défèrements est corrélative à l’augmentation des COPJ, qui présentent l’avantage de permettre une comparution rapide du mineur devant son juge naturel, celui qui est compétent pour son arrondissement d’origine, alors que le défèrement amène le mineur à comparaître devant l’un des 17 juges des enfants parisiens au hasard de leurs permanences ; ce mode de saisine concilie donc l’impératif d’une réponse rapide à l’acte de délinquance et le respect des principes de l’ordonnance de 1945.

27Les procédures de jugement rapide à l’initiative du parquet, JDR et PIM, sont utilisées à raison d’une dizaine par mois en moyenne, ce qui est loin d’être négligeable, mais représente en définitive moins de 5% du total des saisines au pénal du juge des enfants. Cette prudence dans l’utilisation de ces procédures s’explique là-encore par leur difficile compatibilité avec les principes susvisés qui régissent l’intervention du juge des enfants ; elles sont donc vraiment réservées aux mineurs multi-récidivistes pour lesquels le juge des enfants dispose déjà d’éléments de personnalité.

28Quant aux plus récentes innovations législatives que sont la composition pénale et l’activité de jour, elles n’ont pas encore été mises en œuvre ; leur nature particulière nécessite en effet une détermination fine des publics susceptibles d’en bénéficier, en concertation étroite avec les juges des enfants, et ce travail préparatoire n’est à ce jour pas achevé.

29En conclusion, le constat personnel que peut dresser l’auteur de ces lignes, qui se limite à une observation empirique et n’a donc aucune prétention scientifique, confirme une certaine augmentation de la délinquance des mineurs, son rajeunissement et son caractère plus violent. L’analyse des causes de ce phénomène diffère cependant sensiblement du discours dominant : le prétendu laxisme des juges des enfants ou les supposées faiblesses de la procédure applicable aux mineurs paraissent en effet beaucoup moins déterminants que l’accroissement continu des inégalités dans la société française depuis la fin des années 70, les frustrations générées par la société de consommation triomphante, et les difficultés qu’éprouve notre pays à intégrer ses enfants issus de l’immigration.


Date de mise en ligne : 01/12/2008

https://doi.org/10.3917/apc.030.0111

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