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Article de revue

Le droit pénal iranien à la lumière des principes directeurs de la Constitution de la République islamique d'Iran

Pages 157 à 166

Notes

  • [1]
    Dynastie fondée par le chef d’une tribu Turkmène Agha Mohammad qui régna sur la Perse (L’Iran) de 1794 jusqu’en 1925.
  • [2]
    Ces échecs, d’après les révolutionnaires de 1979 sont le mouvement constitutionnel antidespotique de 1907 et du mouvement anti colonisateur de la nationalisation du pétrole en 1951.
  • [3]
    Le préambule de la constitution de 1979.
  • [4]
    Idem.
  • [5]
    Principe 4 de la Constitution.
  • [6]
    Principe 91 de la Constitution.
  • [7]
    94e principe.
  • [8]
    19e principe.
  • [9]
    20e principe.
  • [10]
    22e principe.
  • [11]
    23e principe.
  • [12]
    32e principe.
  • [13]
    33e principe.
  • [14]
    34e principe.
  • [15]
    35e principe.
  • [16]
    38e principe.
  • [17]
    37e principe.
  • [18]
    Principe.
  • [19]
    La dynastie Pahlavi régna en Iran pendant 53 ans de 1926 à 1979.
  • [20]
    Had, est une peine prévue par la chariat, dont, le genre, la qualité et la quantité sont déterminés par les normes, islamiques. (art 13, de la loi).
  • [21]
    Ghessasse est une peine applicable au criminel, proportionnellement à la gravité du crime commis (art. 14).
  • [22]
    DIEH, est une peine pécuniaire déterminée par les normes islamiques à titre de récompense des effets du crime (art. 15).
  • [23]
    Tazir, c’est une punition dont le genre et les limites ne sont pas déterminés expressément par les normes islamiques et que le juge peut décider librement. Ladite punition peut consister en emprisonnement, amendes et fouet, dont le nombre de ce dernier ne peut pas dépasser celui prévu par Had.
  • [24]
    P. Bouzat et J. Pinatel ; Traité de droit pénal, tome I, page 2.
  • [25]
    Comme le dit justement le Doyen Bouzat : le droit pénal présente ce grand attrait qu’il intéresse au plus haut degré la nature de l’homme.
  • [26]
    La loi pénale relative à la peine islamique de 1981 et la loi pénale islamique de 1991.
  • [27]
    Néanmoins, il faut rappeler l’article 570 de la loi pénale islamique (Tazirat) qui prévoit : « Quiconque des autorités ou des agents gouvernementaux, enfreignait contrairement aux lois, les libertés publiques ou privait les gens des droits prévus par la loi constitutionnelle, outre la destitution et la privation des services publics, allant de 3 à 5 ans, sera passible d’une peine d’emprisonnement allant de six mois a trois ans.
  • [28]
    Constitution du 3 septembre 1791 ; Constitution et documents politiques, Maurice Duverger, PUF, 1957, p. 19.
  • [29]
    Le préambule de la Constitution de 1979 de la R.I.I.
« Il ne faut pas beaucoup de probité pour qu’un gouvernement monarchique ou un gouvernement despotique se manifeste ou se soutienne, la force des lois dans l’un, le bras du prince toujours levé dans l’autre règlent ou contiennent tout. Mais dans un Etat populaire il faut un ressort de plus, qui est la vertu ».
Montesquieu, De l’esprit des lois, livre VIII chapiter XVI

1En 1979, la Révolution en IRAN, bouleversa toutes les institutions politiques, économiques, sociales et culturelles. L’ancienne Constitution promulguée en 1907 sous l’Empire de la dynastie Gadjar [1] et sous l’influence de la Révolution de 1789 en France ne pouvait pas répondre aux exigences des dirigeants de la Révolution de 1979 qui souhaitaient la fondation d’une constitution spécifique sur la base des principes et des préceptes de l’idéologie islamique. Il paraît clair que, les institutions juridiques comme d’ailleurs, les autres institutions, ne pouvaient pas résister devant la Révolution et les réflexions tirées des bases islamiques. Sous cet angle, on voit notamment les changements profonds, en ce qui concerne le droit pénal.

2Un aperçu sommaire de la constitution de 1979, comme base de cette réforme (I), et une analyse de droit pénal iranien confronté aux principes directeurs de la constitution (II) sera l’objet de notre étude.

I – La Constitution de la République Islamique d’Iran

3Le préambule de la Constitution commence par une description de la situation de l’Iran avant la Révolution islamique et stipule ainsi : « La Constitution de la République Islamique de l’Iran est la manifestation des institutions politiques, sociales, culturelles et économiques de la communauté de l’Iran sur la base des principes intimes de la communauté islamique ».

A – L’idéologie de l’Islam, la base de la Constitution

4La caractéristique fondamentale de la Révolution de 1979 par rapport aux autres mouvements des siècles passés [2], réside dans sa doctrine et son essence islamique. Ainsi, d’après les auteurs de la Constitution, ces mouvements ont rapidement dévié et ont été entraînés vers l’anéantissement et c’est la raison pour laquelle, la Nation dans sa conscience vigilante, s’est rendue compte de la nécessité de poursuivre la voie du réel mouvement de la doctrine de l’Islam. Un Etat islamique, se prépare à édifier, sur les préceptes islamiques, sa communauté idéale, « en prenant en considération l’essence même de ce grandiose mouvement, la Constitution garantit qu’il n’existera aucun despotisme spirituel, ni social ni aucun monopole économique et qu’elle déploiera ses efforts dans la voie de l’anéantissement du système despotique et dans celle de remettre le sort du peuple aux mains du peuple lui-même [3] ».

5En insistant sur la création des organes et des institutions politiques, sociales, et économiques sur la base islamique, la Constitution confirme l’inspiration du Coran et la tradition Coranique sous le contrôle précieux et sérieux des théologiens islamiques justes, vertueux et sincères. Ainsi, d’après la constitution : « La question de la Justice dans ses rapports avec la sauvegarde de la voie active de l’Islam, dans l’intention de prévenir toute déviation de structure au sein de la communauté islamique et empêcher le développement de telle déviation, revêt un caractère vital et pressant » [4].

6En Conséquence, la création d’un système judiciaire reposant sur la justice islamique et comprenant des magistrats justes et connaissant les préceptes religieux précis, a été prévue. Cette idéologie, argumentée par la Constitution, n’empêchait néanmoins pas les rédacteurs de la loi constitutionnelle de consolider le fondement des institutions par un principe tout à fait rigide qui représente la sévérité de stabiliser des lois fondées sur les normes islamiques.

7Le quatrième principe de la Constitution stipule clairement ainsi : « L’ensemble des lois et règlements civils, pénaux, financiers, économiques, administratifs, culturels, militaires, politiques et autres, doivent être basés sur les préceptes islamiques. Ce principe s’applique d’une manière générale à tous les principes de la Constitution et aux autres lois et règlements. La détermination de ce point est de la compétence des docteurs du dogme membre du Conseil de Surveillance [5]. Cette exigence tire son origine de la souveraineté absolue de Dieu sur le monde et l’humanité et dans la République Islamique, les pouvoirs souverains, législatif, exécutif et judiciaire, placés sous le contrôle de l’autorité de l’Imamat sur la communauté ne sont que l’influence tirée de la Souveraineté de Dieu.

8Dans les limites de la Constitution, la Chambre des députés peut légiférer dans tous les domaines, y compris celui du droit pénal. Mais, afin de sauvegarder les commandements de l’Islam et la Constitution contre toute divergence à leur égard, même de la part de la Chambre des députés, la loi constitutionnelle a créé un Conseil appelé, Conseil de Surveillance dont la composition, est la suivante [6] : six docteurs du dogme religieux, justes et conscients des exigences du temps et des problèmes du jour. Leur choix sera fait par le Guide ou le Conseil de Direction. Le conseil comprend également six Juristes versés dans les diverses disciplines, élus par la Chambre sur une liste de Juristes Islamiques présentés à la Chambre des députés par le Chef du Pouvoir Judiciaire.

9La Chambre des députés n’a aucune validité légale sans la présence du Conseil de Surveillance, sauf lors de l’approbation des mandats des représentants et l’élection des six juristes, membres du Conseil de Surveillance. Les décisions de la Chambre des députés seront remises au Conseil de Surveillance, qui, dans un délai maximum de dix jours à compter de la date de réception, doit, vérifier leur conformité avec les principes de l’Islam et la Constitution. Si le Conseil les considère contraires à ceux-ci, il les retournera à la Chambre des députés pour un second examen [7].

B – Les droits du peuple

10Le troisième chapitre de la Constitution est consacré spécifiquement aux droits du peuple dont, l’application est garantie par les lois pénales qui prévoient la poursuite et la sanction des contrevenants. Par exemple, la Constitution prévoit et garantit dans ses divers principes les droits égaux pour tous les citoyens [8] ; les droits de la femme dans tous les domaines [9] ; l’inviolabilité de la dignité, de la vie, des biens, du domicile et de la profession [10] ; l’interdiction du contrôle des opinions [11] ; la liberté d’opinion de la publication et de la presse [12], l’interdiction de l’arrestation des individus sauf sur ordre et conformément aux dispositions de la loi ; liberté dans le choix de la résidence [13] ; le droit d’ester en justice [14] ; le droit de choisir l’avocat dans tous les tribunaux [15] ; l’interdiction de la torture [16] et la déclaration du principe d’innocence [17] et le principe de la légalité des peines [18]. Ce sont en vérité les plus importants principes directeurs de la Constitution.

II – Le droit pénal et les principes directeurs de la Constitution

11Dès le lendemain de la Révolution de 1979 et sous l’empire de la Constitution dont nous venons de montrer les traits essentiels, le droit pénal iranien a été profondément bouleversé. Par ce bouleversement, l’ensemble des lois pénales votées sous l’Empire des Pahlavis [19] a été remplacé et on voit une évolution constante, de 1979 à nos jours.

12Afin de bien comprendre cette réforme, on citera tout d’abord les notions les plus importantes de ces réformes (A), et on traitera ensuite le domaine de l’application de ces lois sous les principes directeurs de la Constitution (B).

A – Les lois

1 – La loi pénale islamique (provisoire) de 1981

13La « loi relative à la peine islamique », est la première loi pénale avec un visage tout à fait religieux. Applicable pendant une période d’essaie, une commission de la Chambre des députés l’a votée en 1981, laquelle fut appliquée jusqu’en 1990. Cette loi prévoyait 4 catégories de peines : Hodoud (ou Had) [20], Ghessasse[21], Diat[22] et Tazirat[23].

14Par là, le législateur islamique supprima l’ancienne classification des infractions en crime, délit et contravention.

2 – Tazirat

15Votée en 1982, cette loi applicable également pendant une durée de 5 ans, limitait le pouvoir des juges religieux qui, en se fondant sur les règles religieuses exigeaient l’application de celles-ci à leur gré, conformément à l’article quatorze de la « loi relative à la peine islamique ». Cet article prévoyait : « Tazir est une punition dont la religion ne discerne ni le genre, ni la qualité et c’est le juge (HAKEME) qui le désigne comme : l’emprisonnement, l’amende, le fouet, etc. ». Néanmoins, le législateur de l’époque, n’accepta pas cette thèse et vota une loi de 159 articles qui réprima les infractions punissables des peines correctionnelles (Tazirat). En fin de compte, la loi de Tazirat a été modifiée par une nouvelle loi de Tazirat en 1996.

3 – La loi pénale islamique

16Cette loi, votée en 1992 et applicable pour une période d’essaie de 5 ans, confirmait le contenu de l’ancienne loi relative à la peine islamique. Le législateur a essayé de corriger et de combler les lacunes de l’ancienne loi et d’y apporter les changements adéquats. Cette loi est à présent appliquée et le sera pour une période d’essaie de 10 ans allant de 1996 à 2007.

4 – La loi instituant les juridictions générales et révolutionnaires

17Cette loi, votée en 1994, a été l’objet de nombreuses critiques de la part des juristes et des milieux universitaires iraniens. L’institution d’un tribunal à juge unique débattant de toutes les matières juridiques (pénales, civiles, commerciales, etc.) donne à cette loi une vision confuse. Les questions posées à l’égard de cette loi ont été si nombreuses que le pouvoir judiciaire a été obligé d’annoncer son remplacement.

5 – La loi pénale islamique (section Tazirat)

18C’est en vérité, l’ancienne loi de Tazirat avec divers changements. La loi a été définitivement votée en 1996. Cette loi nous parait s’éloigner, plus que les autres, des principes directeurs de la Constitution.

19Outre les lois précitées, il faut ajouter la loi de 1997, amendant les articles 36 et 729 de la loi pénale islamique : la loi sur l’exécution des condamnations pécuniaires de 1997 et la loi relative à la procédure des juridictions générales et révolutionnaires, dans le domaine pénal, votée en 1999.

B – Le droit pénal

20Le droit pénal « a pour objet de prévenir par la menace, et au besoin de réprimer par l’application de différents moyens, les actions ou omissions de nature à troubler l’ordre social [24] ». Cette définition, acceptable par le droit pénal iranien, donne à celui-ci une vision de souveraineté sur les autres branches du droit. En effet, c’est le Gouvernement qui intervient dans la répression des actes contraires à l’intérêt social et, pour cela, il se base sur les directives déterminées par la Constitution. Les droits du peuple [25], protégés par la Constitution doivent être garantis par les lois ordinaires et notamment les lois pénales. Les principes directeurs de la Constitution doivent être sérieusement respectés par le législateur et reflétés dans le droit pénal de chaque Nation.

21Malheureusement, dans une perspective générale, une étude des lois ordinaires en les comparant avec la loi constitutionnelle en Iran – et peut-être dans les autres pays du monde – montre la violation de celle-ci par le législateur. Les violations de la loi constitutionnelle par les lois ordinaires, que ce soient les lois pénales générale et spéciale ou la loi relative à la procédure pénale, seront examinées successivement ci-après.

1 – Droit pénal général

22En ce qui concerne le droit pénal général, les lois votées dans ce domaine [26] sont assez conformes aux principes de la Constitution de 1979. Le premier livre de la loi pénale islamique concernant les généralités définit l’infraction et classifie les peines en 5 catégories : Hodoud, Ghessasse, Diat, Tazirat et des peines dissuasives.

23Les circonstances atténuantes, les causes d’aggravation de la peine, la responsabilité, le sursis et la libération conditionnelle sont les principaux titres du premier livre de ladite loi.

2 – La procédure pénale

24Après la révolution de 1979, la procédure pénale de l’ancien régime a été conservée. Les changements effectués dans ce domaine ne paraissent pas très importants et la tendance était de respecter les textes tels qu’ils étaient, tant qu’ils ne s’opposaient pas aux normes islamiques. Mais après le vote de la loi instituant les juridictions générales et révolutionnaires en 1996, le législateur vota une nouvelle loi de procédure, intitulée : « loi relative à la procédure des juridictions générales et révolutionnaires dans le domaine pénal » ou C.P.P.

252-1. – La loi de procédure manifeste une certaine dérogation à la Constitution. Un exemple tiré de l’article 214 de la procédure montre bien la non conformité de cet article avec le 36e principe de la Constitution. L’article 214 indique ainsi : « le jugement doit être motivé et justifié et conforme aux lois sur la base desquelles il a été rendu. Le tribunal est tenu de chercher la solution de chaque problème dans les lois écrites, dans le cas où il n’y a pas de lois écrites, il doit rendre sa décision sur la base des sources juridiques islamiques (Feghh) ou des écrits religieux (Fatva). Le tribunal n’a pas le droit, sous prétexte de silence, de lacune, de concision ou de contradiction dans les lois de s’abstenir d’instruire une cause ou d’en rendre le jugement ».

26Cet article qui a sa source dans le 167e principe de la Constitution traite essentiellement des affaires civiles. Cet article a été inséré dans la loi constitutionnelle par les membres de la première Assemblée constitutionnelle. Seulement, le 36e principe de la constitution rejette cette vision, car selon celui-ci : « le jugement de condamnation et son exécution sont de la compétence exclusive du tribunal compétent, agissant selon la loi ». Ici, la loi et seule la loi domine le jugement de condamnation, tandis que l’article 214 du C.P.P. décide autrement.

272-2. – La même difficulté apparaît quand on compare l’article 188 du C.P.P. avec le 165e principe de la constitution qui déclare que : « les procès sont publics et chacun peut y assister sauf, si la publicité des débats va à rencontre de la morale publique ou de l’ordre public, ou encore si, dans un procès privé les parties en litige le demandent. Dans ces cas, les procès ne sont pas publics ».

28L’article 188 du C.P.P. a ajouté un 3e alinéa en insistant sur un facteur qui ne figure pas dans la Constitution, d’après l’article 188 : « les procès sont public sauf : – 1……, – 2……, 3…… – Dans le cas où le procès perturbe l’ordre public ou « va à l’encontre des sentiments religieux ».

29La Constitution dans son 165e principe ne fait pas allusion aux sentiments religieux à moins qu’on accepte que la « morale publique » citée dans ce même article signifie également « sentiments religieux, ce qui à notre avis ne correspond absolument pas à la volonté des rédacteurs de la Constitution.

302-3. – Le 35e principe de la Constitution déclare la présomption d’innocence : « chaque personne est présumée innocente à moins que sa culpabilité ait été prouvée par le tribunal compétent ». Quoique le principe de présomption d’innocence soit expressément prévu par la Constitution, les lois ordinaires n’en ont nullement fait cas. A notre avis, le législateur doit l’insérer dans celles-ci d’une façon claire et expresse.

3 – Droit pénal spécial

31La loi de Tazirat, adoptée en 1996, donne des exemples notoires des violations de la Constitution par une loi ordinaire, dont, nous allons démontrer ci-dessous, les plus manifestes. Avant, il est nécessaire de signaler une fois encore, le rôle efficace du législateur dans le monde, dans la sauvegarde et la protection de la Constitution. Le législateur iranien, quant à lui, notamment en ce qui concerne le droit pénal spécial, a quelquefois oublié les principes fondamentaux de la Constitution. Malheureusement, dans ces cas, certes limités, le Conseil de la Surveillance n’a pas rempli son rôle relatif à la conformité de certaines lois ordinaire à la Constitution.

323-1. – La Constitution dans le 19e principe du 3e chapitre intitulé droits du peuple prévoit : « Tous les citoyens iraniens de quelques origines qu’ils soient jouissent de droits égaux. La couleur, la race, la langue, etc. ne peuvent pas être la cause d’avantages particuliers ».

33Mais dans le Code pénal, il existe quelques articles qui n’observent pas ce principe. A titre d’exemple, on peut citer l’article 207 de la loi pénale islamique qui déclare : « L’assassin d’un musulman doit être exécuté (supporter le ghessasse), tandis que la loi passe sous silence le sort des meurtriers des membres d’autres religions. La loi constitutionnelle prévoit que tout le monde jouit des droits égaux tandis que la loi ordinaire de Tazirat est confuse en ce qui concerne les musulmans et les non musulmans ».

343-2. – Le 38e principe de la Constitution stipule expressément et clairement, l’interdiction de la torture. D’après ce principe : « Toute torture visant à obtenir des aveux ou des renseignements est interdite. Contraindre quelqu’un à témoigner, à avouer ou à prêter serment, est interdit et un tel témoignage, un tel aveu et un tel serment n’ont ni valeur, ni validité. Les contrevenants à ce principe seront poursuivis selon la loi ». Mais, la loi ordinaire s’est éloignée considérablement de ce principe, car, par l’article 578 de la loi Tazirat, les deux termes « coups et sévices corporels » ont remplacé le terme de « torture ».

35Or, le domaine de la torture est beaucoup plus vaste que celui des coups et sévices corporels qui n’implique pas la torture psychologique. C’est, à notre avis, pour cette raison que les rédacteurs de la Constitution ont employé le terme « torture ».

363-3. – Le 39e principe stipule ainsi : « La diffamation et l’atteinte à la dignité de celui qui a été arrêté, incarcéré, emprisonné ou banni selon la loi sont interdites, sous quelque forme que ce soit. Les contrevenants seront poursuivis et punis ». On voit que la loi constitutionnelle, a clairement interdit toute atteinte aux droits des inculpés ou arrêtés. Malgré cela, la loi pénale islamique ne prévoit pas des sanctions convenables à rencontre des contrevenants [27].

373-4. – Le 25e principe de la Constitution prévoit que « l’inspection et la non livraison de lettres, l’enregistrement et la divulgation de conversations téléphoniques, la divulgation des transmissions télégraphiques et des télex ; leur censure, leur retenue ou leur arrêt, les écoutes ou tout autre type d’investigation sont interdits sauf sur ordre de la loi ». L’article 582 de la loi pénale islamique (Tazirat) garantit l’exécution du 25e principe de la Constitution, mais il l’a violé lui-même d’une façon flagrante en passant sous silence l’interdiction de toute sorte de surveillance ou d’espionnage prévue par celle-ci.

38Ledit article a également remplacé les termes de « censure » et de « fouille » par ceux « d’investigation » et de « contrôle », pour détourner les termes de la Constitution. En outre, le législateur n’a pas suivi les directives du 25e principe de la Constitution qui interdit d’une façon générale toute violation de son contenu, en limitant cette interdiction seulement aux agents administratifs.

Conclusion

39La Constitution garantit tous les droits naturels et civils, et prévoit que tous les citoyens sont admissibles aux places et emplois, sans autre distinction que celle de leurs vertus et talents ; que toutes les contributions seront réparties entre tous les citoyens également en proportion de leurs facultés ; que les mêmes délits seront punis des mêmes peines sans distinction [28].

40La Constitution garantit qu’il n’existera aucun despotisme spirituel, ni social, ni aucun monopole économique et qu’elle déploiera ses efforts dans la voie de l’anéantissement du système despotique et dans celle de remettre le sort du peuple aux mains du peuple lui-même [29].

41La Constitution de 1979 en Iran adoptée à la majorité de 98,2 % des électeurs a instauré un régime islamique dont les lois ordinaires doivent respecter rigoureusement les principes. Mais comme nous venons de le démontrer le législateur iranien n’a pas suivi entièrement les principes directeurs de la Constitution en matière pénale. A notre avis, le législateur doit être fidèle aux prescriptions constitutionnelles et le Conseil de Surveillance de la Constitution doit être également davantage vigilant.

42Cette approche s’impose également au niveau des engagements régionaux et internationaux du Gouvernement iranien. Néanmoins, depuis 1997, on assiste à une évolution lente mais assez sûre en ce qui concerne la sauvegarde des principes de la Constitution : d’une part, pour le respect des principes des droits de l’homme énoncés dans la Constitution, une « Commission des droits de l’homme islamique » a été créée au sein du Pouvoir Judiciaire qui fonctionne depuis deux ans sous forme d’une ONG (Organisation Non Gouvernementale), et d’autre part, après l’élection présidentielle en 1996, le Président de la République Islamique d’Iran a institué en 1997 un Conseil pour superviser l’application des principes de la Constitution qui donne ses rapports directement au Président.

43La violation et toute dérogation à la loi constitutionnelle par les lois ordinaires sont des dangers pour la liberté et la légalité que le législateur doit prendre en compte.

Bibliographie sommaire

  • Achouri (M.), « Quelques réflexions sur la nouvelle loi iranienne relative à l’organisation judiciaire et aux compétences des juridictions répressives » (Loi du 6 Juillet 1994), R.S.C., 1995, pp. 785-794.
  • Delmas-Marty (M.) [sous la direction de], Criminalité économique et atteintes à la dignité de la personne humaine, Europe-Pays d’Islam, Maison de Science de l’homme, Vol. VI, 1999.
  • Duverger (M.), Constitutions et documents politiques, P.U.F, 1996.
  • Kasravi (A.), L’histoire de la constitution en Iran, pub. Amir-Kabir, 1978.
  • Montesquieu (C.), L’esprit des lois (relu par Jacques Roubut, Seghers, 1972).
  • Nadjafi (A.), La politique criminelle iranienne à l’épreuve des changements politiques, Thèse d’Etat, Paris, 1990.
  • Nadjafi (A.), La politique criminelle iranienne, in problèmes actuels de science criminelle, P.U. d’Aix-Marseille, vol XIII, 2000, pp. 9-22.
  • Nourbaha (R.), Précis du droit criminel, publication Gange-Danech, 4e édition, 1999.
  • Nourbaha (R.), « Le conflit des deux lois », Rev. de recherche Juridique, n° 21-22, pp. 9-21.

Date de mise en ligne : 01/03/2009

https://doi.org/10.3917/apc.023.0157

Notes

  • [1]
    Dynastie fondée par le chef d’une tribu Turkmène Agha Mohammad qui régna sur la Perse (L’Iran) de 1794 jusqu’en 1925.
  • [2]
    Ces échecs, d’après les révolutionnaires de 1979 sont le mouvement constitutionnel antidespotique de 1907 et du mouvement anti colonisateur de la nationalisation du pétrole en 1951.
  • [3]
    Le préambule de la constitution de 1979.
  • [4]
    Idem.
  • [5]
    Principe 4 de la Constitution.
  • [6]
    Principe 91 de la Constitution.
  • [7]
    94e principe.
  • [8]
    19e principe.
  • [9]
    20e principe.
  • [10]
    22e principe.
  • [11]
    23e principe.
  • [12]
    32e principe.
  • [13]
    33e principe.
  • [14]
    34e principe.
  • [15]
    35e principe.
  • [16]
    38e principe.
  • [17]
    37e principe.
  • [18]
    Principe.
  • [19]
    La dynastie Pahlavi régna en Iran pendant 53 ans de 1926 à 1979.
  • [20]
    Had, est une peine prévue par la chariat, dont, le genre, la qualité et la quantité sont déterminés par les normes, islamiques. (art 13, de la loi).
  • [21]
    Ghessasse est une peine applicable au criminel, proportionnellement à la gravité du crime commis (art. 14).
  • [22]
    DIEH, est une peine pécuniaire déterminée par les normes islamiques à titre de récompense des effets du crime (art. 15).
  • [23]
    Tazir, c’est une punition dont le genre et les limites ne sont pas déterminés expressément par les normes islamiques et que le juge peut décider librement. Ladite punition peut consister en emprisonnement, amendes et fouet, dont le nombre de ce dernier ne peut pas dépasser celui prévu par Had.
  • [24]
    P. Bouzat et J. Pinatel ; Traité de droit pénal, tome I, page 2.
  • [25]
    Comme le dit justement le Doyen Bouzat : le droit pénal présente ce grand attrait qu’il intéresse au plus haut degré la nature de l’homme.
  • [26]
    La loi pénale relative à la peine islamique de 1981 et la loi pénale islamique de 1991.
  • [27]
    Néanmoins, il faut rappeler l’article 570 de la loi pénale islamique (Tazirat) qui prévoit : « Quiconque des autorités ou des agents gouvernementaux, enfreignait contrairement aux lois, les libertés publiques ou privait les gens des droits prévus par la loi constitutionnelle, outre la destitution et la privation des services publics, allant de 3 à 5 ans, sera passible d’une peine d’emprisonnement allant de six mois a trois ans.
  • [28]
    Constitution du 3 septembre 1791 ; Constitution et documents politiques, Maurice Duverger, PUF, 1957, p. 19.
  • [29]
    Le préambule de la Constitution de 1979 de la R.I.I.

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