Étudier une politique dans sa dimension européenne introduit une diversité d’acteurs et des jeux entre niveaux qui compliquent considérablement le travail d’analyse [Guiraudon, 2001]. Pourtant, le cas de la régulation des médicaments nous a montré que cette démarche est souvent nécessaire et probablement toujours profitable. Dans le secteur pharmaceutique, elle répond à une exigence méthodologique manifeste, le cadre territorial national étant de plus en plus invalidé par l’européanisation des stratégies industrielles, l’existence de procédures communautaires contraignantes, l’acquisition par les institutions européennes d’un rôle normatif central et le renforcement des mobilisations et des réseaux transnationaux. Il est donc aujourd’hui difficile, et discutable, d’étudier le contrôle sanitaire des médicaments dans un pays européen en négligeant cette réalité. Mais la prise en compte de l’espace européen n’est pas seulement une obligation résultant de la structuration actuelle des configurations politiques, elle est surtout une chance formidable de renouveler notre compréhension des enjeux d’un domaine. En règle générale, la définition d’une action publique qui ne s’inscrit pas directement dans une histoire institutionnelle établie oblige les acteurs à poser de façon plus explicite les problématiques centrales d’une politique et les conduisent souvent à une formalisation des pratiques inexistante au niveau national. Mais, avant tout, puisque le projet communautaire vise à réduire les différences entre pays, puisqu’il met en scène leurs divergences normatives et que l’Europe reste avant tout un ensemble d’États, l’analyse de la formation et du fonctionnement de l’espace politique européen offre une opportunité unique de mener le travail d’aperception sociologique et de comparaison entre nations qui sont au fondement de la pensée en sciences sociales [Dumont, 1966]…