Jusqu’à présent, la production d’évaluations européennes nécessite que des experts nationaux parviennent à construire des jugements communs sur la valeur de chaque médicament. Des comités ont été créés pour servir de support à ces échanges. L’étude de la formation d’avis au niveau européen invite à insister sur les liens entre deux dimensions essentielles de la production d’une préférence collective : l’expertise, qui permet à un individu présent d’exprimer un jugement sur la base d’une compétence, et la représentation, qui amène quelqu’un à parler au nom d’autres acteurs non présents (ses positions résultent alors d’une appartenance). Si les délégués nationaux doivent simplement défendre une position préalablement définie, la discussion ne devrait pas permettre l’élaboration de positions communes. À l’inverse, si les experts sont libres de tout engagement national, pourquoi nécessite-t-on de si longs et coûteux échanges au niveau européen ? La comparaison du fonctionnement des différents échanges européens menés depuis le début des années 1960 permet de mettre en évidence une transformation des modes de représentation nationale et une emprise croissante de l’expertise sur les délibérations.
La question de la tension entre expertise et représentation n’est pas propre à la production d’accords au niveau international ou européen, même si elle s’y pose avec une acuité particulière. En effet, la vision des échanges internationaux comme n’étant que des affrontements et des négociations entre des intérêts nationaux divergents est très répandue…
Date de mise en ligne : 01/04/2012