Une hypothèse structurante de la réflexion sur les liens entre les intérêts privés et l’intérêt public est la possible adultération du jugement d’individus ayant une autorité (responsables administratifs ou politiques, experts, scientifiques) à cause de leurs contacts avec des acteurs économiques. Plusieurs traditions de recherche en sciences sociales se rejoignent autour de ce thème. D’une part, les critiques de l’État d’inspiration marxiste ou les travaux sur les autorités de régulation dénoncent la défense par les autorités étatiques des intérêts économiques, ceux-ci étant pensés comme contraires à l’intérêt public. Les travaux de Théodore Lowi [Lowi, 1969] ou de Marver Bernstein [Bernstein, 1955] sur la capture des autorités publiques manifestent ainsi l’idée d’une sphère publique, bornée par la loi, qui devrait rester inviolée de toute influence privée [Hancher, 1990, p. 6]. D’autre part, les travaux de « nouvelle » sociologie des sciences se sont attachés à remettre en cause les normes mertonniennes de la science – universalisme, communalisme, désintéressement, scepticisme organisé [Merton, 1973] – et la vision classique des faits scientifiques, en mettant en lumière comment des intérêts particuliers ou politiques pouvaient participer à la construction de connaissances présentées comme objectives. Il est courant, ainsi, de faire référence à la malléabilité des connaissances sur les médicaments [Epstein, 1996], sans que ses dimensions exactes soient d’ailleurs toujours explicitées [Dalgalarrondo, 2004]…
Date de mise en ligne : 01/04/2012