Il est courant que des phénomènes qui sont des évidences dans la vie ordinaire soient ignorés ou du moins négligés par les travaux académiques. Ainsi, alors que les processus institutionnels ont souvent été analysés à travers des dynamiques impersonnelles, se référer aux « pères » d’une réforme ou faire d’un acteur particulier le créateur d’une organisation ou le responsable d’une politique semble extrêmement naturel. Il ne s’agit évidemment pas de s’en remettre à ces prénotions. Par ailleurs, les limites des travaux lisant des processus complexes à travers quelques individus ont été largement soulevées, notamment en historiographie à travers la réflexion sur la place de la biographie et de l’étude des personnages historiques. Cependant, le rejet des thèses qui font des industries pharmaceutiques les responsables de l’intégration européenne, n’induit ni empiriquement ni conceptuellement l’abandon de l’idée d’une orientation stratégique de ce processus. Loin de constituer le simple résultat de mécanismes endogènes ou de chocs exogènes, la mise en place de l’Agence européenne a fait l’objet d’un « pilotage » qui s’est étalé sur plus de trente années.
La notion de pilotage, couramment utilisée, n’a pourtant pas fait véritablement, à notre connaissance, l’objet de développements théoriques précis en sociologie. Philip Selznick dans son ouvrage Leadership in Administration [Selznick, 1984] fait parfois référence au pilotage (steering) d’une institution, activité qui vise à éviter sa dériv…
Date de mise en ligne : 01/04/2012